mercredi 9 janvier 2008

Un spectacle émouvant


Le Neveu de Wittgenstein. Je n’ai pas pris le temps de me renseigner sur le metteur en scène, les acteurs, l’auteur de la pièce si ce n’est pas une création, bref, j’arrive comme qui dirait, en touriste.

Je découvre sur la brochure que c’est Serge Merlin qui a joué dans le film Le fabuleux destin d’Amélie Poulain,qui sera seul sur scène. J’allais donc voir apparaître devant mes yeux, M. Dufayel, et il allait me parler de l’amitié. C’était sûr, cette pièce allait me plaire.

La scénographie n’est pas imposante. Un acteur seul sur scène durant une heure trente, avec en fond de scène, une fresque d’un paysage, des arbres, des branchages, un lac... Sur scène, un fauteuil à gauche, et trois piles de papiers, plus ou moins grandes, comme des archives.

Serge Merlin, seul, avec son texte, qui s’avère être l’adaptation au théâtre d’extraits d’un roman, Le Neveu de Wittgenstein, de Thomas Bernhard.

« Dans Le Neveu de Wittgenstein, Thomas Bernhard évoque son amitié avec Paul Wittgenstein, neveu du philosophe Ludwig Wittgenstein. Il s’agit d’une amitié essentielle et vitale qui rapproche deux hommes en conflit avec le monde, deux hommes qui se retrouvent dans un hôpital viennois. C’est dans cette mise à l’écart du monde par la maladie que Thomas Bernhard prend conscience de la valeur et du caractère unique du lien qui l’unit à son ami Paul. » Bernard Lévy, metteur en scène la pièce.

Le jeu d’acteur de Serge Merlin est une vraie leçon pour tous les comédiens en formation. Il est au présent de chaque mots, rien n’est laissé au hasard, chaque idées ressort et parvient jusqu’à nous, qu’on le veuille ou non. Mais un "copier-coller" de sa technique de jeu est impossible car la déclamation de Serge Merlin, sa façon de vivre le texte, n’est propre qu’à lui et est reconnaissable entre toutes. Il n’hésite pas à utiliser les silences, à jouer sur le rythme, commencant par exemple une phrase dans un débit très lent et la finissant à toute vitesse. Ou bien, il lui arrive de débuter en chuchotant, puis la seconde d’après, il hurle. Tout en réussisant à être toujours juste .

Serge Merlin n’est pas fluide. Il joue avec le texte, impose ses silences, ses respirations, ses intonations.

Ayant vu la pièce à deux reprises, je peux dire que ces notions de rythmes et de débits vocaux, ces silences parfois pesants, ces respirations au milieu même d’un mot, lui sont spontanés, car le jeu a complètement différé d’un soir à l’autre. Serge Merlin est dans le travail, dans la recherche continue de chaque idée. Et une parole peut un soir l’agacer, un autre soir l’émouvoir. Mais il y croit, et donc nous le suivons. Il nous parle, à nous, spectateur, et nous l’entendons.

Cette liberté qu’il s’offre et qui ne semble pas embêter Bernard Lévy, le metteur en scène, peut avoir ses limites.

Serge Merlin a sûrement pris le risque de faire des contresens par rapport aux sentiments de l’auteur (rapellons qu’il s’agit d’une autobiographie). C’est ainsi que l’on voit toute la délicatesse de mettre en scène un texte qui n’était pas, à l'origine, destiné au théâtre. La finalité du spectacle a-t-elle respecté les "enjeux littéraires"?

Cela n’enlève rien à la justesse de l’acteur, mais le spectateur peut se demander si la justesse de l’acteur est celle de l’auteur. J’entends par spectateur, l’averti, celui qui est allé voir cette pièce parce qu’il a lu le roman, avec la curiosité de savoir comment elle a pu être adaptée. Je ne peux pas dire s’il a réellement été fidèle aux valeurs d’origine de l‘auteur, puisque je n’avais même jamais entendu parler de Thomas Bernhard.

Je ne croyais pas possible que le théâtre puisse avoir un tel impact émotionnel. Je l’avoue, je suis passionnée par le jeu mais je croyais qu’une pièce de théâtre ne pouvait pas avoir la portée d’un très bon film. Cette pièce, ce texte, cet acteur, m’ont parlé. Ce spectacle à fait resurgir en moi toute la pureté du sentiment amical, toute sa dimension. Tout ce que l’ami(e) est capable de comprendre, à quel point l’ami(e) peut aller loin dans la compréhension de l’autre.

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